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marcus28s, le il y a 3 années et 5 mois.
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Les médias ont successivement annoncé les décès des frères Bogdanoff : D’abord celui de Grichka le 28 décembre dernier, puis celui d’Igor le 03 janvier. Ces vingt dernières années ils avaient fait principalement parler d’eux pour leurs thèses scientifiques controversées, l’étonnante transformation de leurs visages, et leurs démêles judiciaires.
Mais bien avant cela, pour les téléspectateurs intéressés par les technologies d’avant-garde et la science-fiction, Igor et Grichka avaient été les présentateurs vedettes de l’émission désormais « culte » : Temps X. Pour les « geeks » des années 80, ce programme de TF1 était en effet unique en son genre : il proposait en alternance des épisodes de séries Télé (de S-F ou de fantastique telles que : Docteur Who, La 4ème dimension, Les envahisseurs …) et des dossiers scientifiques. Les deux frères faisaient ainsi le point sur divers domaines de la recherche au moyen de longs dialogues, de films documentaires, d’extraits de films de fiction, ou d’interviews de leurs invités. La finalité du programme était de mettre à la portée du grand public des champs d’investigations contemporains rarement traités à la télévision. Il est à souligner que les thèmes choisis, s’ils avaient toujours une véritable base scientifique, pouvaient fréquemment verser dans le sensationnalisme, en traitant de sujets de curiosité populaire, tels que le voyage dans le temps, l’existence d’une vie extra-terrestre ou la communication avec l’au-delà.
Aussi étonnants soient-ils, les sujets abordés étaient traités avec sérieux, aplomb et éloquence par les deux jumeaux. Si la présence d’intervenants extérieurs apportait du crédit à leurs propos, au contraire le côté spectaculaire du plateau de l’émission (un vaisseau spatial aux hublots ouverts sur l’univers) induisait que tout ce qui s’y disait n’était que fiction. Une sensation que venaient renforcer les hypothèses audacieuses et les prévisions d’avenir inventives formulées par le duo en guise de conclusion. Au bout du compte, l’émission Temps X laissait dans l’esprit du téléspectateur une impression trouble, à la fois fascinante et effrayante, d’une expérience à la frontière de la science réelle et du fantastique.
Et c’est justement forts de cette aura très spéciale, jouant sur l’ambiguïté entre vulgarisation scientifique et théories édifiantes, que les frères Bogdanoff participèrent début 1988 à la promotion de l’Amiga en France.
Sur la base d’une vidéo de présentation produite par la maison-mère américaine, Commodore France demanda au duo d’associer son image à celle de sa configuration informatique grand-public. Sorti au printemps 1987 (en même temps que le 2000 orienté plus ‘pro’) l’Amiga 500 était destiné à conquérir le cœur des joueurs mais aussi des graphistes et des musiciens, grâce à son nouveau prix de vente enfin accessible pour les particuliers. Le premier Amiga, sorti deux ans plus tôt, avait en effet été vendu à un prix qui le destinait plutôt à des entreprises. Désormais proposé dans une nouvelle déclinaison, l’Amiga se retrouvait enfin dans une fourchette tarifaire lui permettant de se mesurer avec son grand concurrent : l’Atari St. Sorti depuis plus de deux ans, avec un prix de vente se situant déjà dans ce créneau, le 16/32 bits d’Atari avait pris une sérieuse avance pour s’implanter dans les foyers français. La filiale de Commodore se devait alors de mettre les bouchées doubles pour rattraper son retard.
Une campagne d’information vantant les spécificités technologiques de l’Amiga 500, qui soit aussi capable d’attirer et de faire rêver les foules, nécessitait d’être mise sur pied rapidement. La vidéo américaine était prête. Mais il fallait lui associer une personnalité connue dans l’Hexagone pour lui apporter son soutien … voire deux personnalités. À l’antenne depuis 1979, le duo de vulgarisateurs scientifiques avait acquis une forte notoriété auprès du public, et qui plus est dans les deux sphères d’influence qui correspondaient à l’image que l’on souhaitait adjoindre à l’Amiga : la technologie et l’imaginaire. But de l’opération : vendre du rêve !
Et le résultat fut à la hauteur : la vidéo, disponible en prêt auprès des revendeurs ou de Commodore France en échange d’un chèque de caution, fut à l’image des jumeaux et de leur émission Temps X : à la fois véridique sur certains points, et franchement discutable sur d’autres. N’ayant pas peur de l’exagération, on se souviendra avec un petit sourire en coin de la conclusion énoncée par Igor et Grichka, partant d’une vérité mais extrapolant à outrance : «La grande force de l’Amiga 500 c’est qu’il est multitâche : Il réalise seul et simultanément, ce qu’autrefois d’autres ordinateurs accomplissaient séparément : En somme, l’Amiga 500, c’est 500 ordinateurs dans une seule et même machine ! » Les firmes concurrentes ont dû apprécier.
Avec le recul, il apparaît bien improbable que certaines des images montrées dans la vidéo de Commodore aient été obtenues avec un simple A500 dans sa configuration d’origine, et que l’argumentaire des animateurs ait été vraiment objectif. Mais il suffit de se rappeler qu’il ne s’agissait avant toute chose … que d’une « publicité » des années 80. À cette époque on ne s’encombrait pas de données objectives pour promouvoir un produit au détriment des autres.
Toujours est-il qu’en 1988 l’association des frères Bogdanoff (considérés en France par le grand-public comme des apôtres des technologies du futur) avec la toute nouvelle machine de Commodore (réellement en avance sur son temps et ses concurrentes) était ingénieuse et marquante.
Nul doute qu’en ces jours de deuil, les Amigaïstes de la première heure ont une pensée émue pour les célèbres jumeaux qui, comme indiqué par le communiqué émis par leur famille, « sont partis rejoindre leurs étoiles ». L’Amiga 500 est l’une d’entre elles.
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